Gamification : peut-on vraiment apprendre sans effort ?
Par Magali Arteche le 30 mars 2015
La gamification ou ludification semble peu à peu être devenue le principe pédagogique fondateur de la plupart des dispositifs d’apprentissage, et en particulier de ceux en ligne. A fonder la pédagogie sur le plaisir, on entretient l’idée non seulement qu’on peut toujours s’amuser en apprenant, mais qu’il faut nécessairement s’amuser pour apprendre. Dans quelle mesure est-ce vrai ou exagéré ?
L’effort est au cœur du processus d’apprentissage
L’apprentissage suppose un changement de représentations plus ou moins profonds, une acquisition de connaissances, une incursion dans des zones d’inconfort lors de la mise en œuvre opérationnelle. Fondamentalement, apprendre demande toujours un effort sur soi.
Mais… la notion d’effort se déplace
La nature de l’effort demandé aux apprenants a changé ! Il ne s’agit plus d’apprendre par cœur des données brutes, mais d’être capable de les mobiliser dans leur contextualisation professionnelle.
Il convient aussi de nuancer cette opposition entre effort et jeu
La mécanique du jeu repose souvent elle-même sur l’effort, la frustration, et sur un principe de “douleur exquise”. Ainsi refaire 25 fois une séquence de jeu pour parvenir à passer le niveau supérieur n’a rien de plaisant en soi : c’est frustrant, lassant, agaçant… Mais le plaisir et la satisfaction viennent précisément de cette difficulté surmontée.
L’efficacité de la gamification dépend de la manière dont elle est menée.
Celle-ci ne répond pas aux mêmes critères d’efficacité en fonction du terrain de jeu (présentiel, serious game,…) et des joueurs (les apprenants) :
La gamification du présentiel :
Le jeu est un outil d’apprentissage incontournable en présentiel en particulier pour dynamiser un groupe, donner du rythme et impliquer davantage les participants. Il est particulièrement pertinent d’utiliser des énigmes collectives pour développer l’esprit coopératif, des puzzles pour assimiler des concepts ou des procédures, des jeux de rôles pour mettre en situation…
Quels que soient les outils ou méthodes ludiques utilisés, il est utile d’appliquer la règle des 20-80, afin que les apprenants ne se perdent pas dans le jeu : 20% du temps maximum doit être réservé au jeu et 80% de la séquence pédagogique consacré à l’exploitation de ce qui s’est passé et aux apports complémentaires du formateur.
Les serious-games : intégrer les mécanismes d’apprentissage dans le jeu.
La réussite d’un serious game repose sur plusieurs éléments. Bien sûr il faut d’abord respecter les critères de réussite des jeux vidéos dont il s’inspire : une histoire attractive, une réalisation impeccable , une interface de jeu fluide, un game play accessible mais pas trop facile. Mais pour qu’il soit formateur, le serious game doit aussi respecter certains critères de réussite d’un dispositif de formation : un scénario évolutif, qui transpose les complexités de la situation professionnelle de l’apprenant, un découpage de l’histoire ou des mini-jeux associés correspondant à une structuration pédagogique de la problématique de formation, et enfin une formalisation régulière de la progression.
Capture d’écran du Serious-Game CEGOS pour l’OPCA Transports
Les mécanismes de gratification personnelle et d’émulation au sein d’un groupe
Points, badges, médailles… les mécanismes de gratification personnelle de type Foursquare sont intéressants pour encourager l’effort de l’apprenant et montrer sa progression personnelle tout au long d’un dispositif d’apprentissage- que ce soit en présentiel ou à distance.
Les conditions de réussite de ces mécanismes reposent plus que jamais sur la convivialité et la bienveillance : pouvoir se comparer, se jauger aux autres (parfois même défier un autre apprenant) doit se faire dans la bonne humeur, et l’objectif d’apprentissage recherché doit régulièrement être rappelé afin d’éviter de faire entrer les apprenants dans une compétition acharnée et finalement stérile.
Retrouvez plus d’informations et de références sur ce thème dans le book de l’innovation :
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perat laurent Il y a 9 années
excellent article
pour ma part la notion d’effort est bien lié à celle d’apprentissage mais pas comme en FC l’adulte pouvait le comprendre , il y a 15 ou 20 ans
mais apprendre c’est bien trans former quelque chose , une connaissance, une technique, un comportement et donc « forcer » un état actuel acquis … mais j’aime apprendre en réalisant des efforts plaisants et ludiques
Magali Arteche Il y a 9 années
Merci Laurent. On pourrait aussi parler de la manière avec laquelle on peut amener l’apprenant à se mettre dans un état de « remise en question », préalable à l’acceptation de l’effort et de la transformation. L’utilisation en ligne de ressources pédagogiques d’assessment, d’autodiagnostic et autres, peut à mon avis être souvent considéré comme un moyen plus doux et pérenne d’accompagner l’apprenant dans cet état d’esprit (vs ce qui peut parfois se passer en présentiel).
Marzin Il y a 9 années
No pain no gain dit-on ! En est-il de même pour l’apprentissage ? « L’effort est au cœur du processus d’apprentissage » dites-vous mais heureusement en affinant justement par « la notion d’effort se déplace ». Ce qui pose clairement la question de l’adéquation de la chose apprise avec l’apprenant. L’effort est donc une notion qui recouvre aussi l’attention et la concentration qui fait qu’on apprend souvent …sans effort.
Magali Arteche Il y a 9 années
Merci Pierre pour cet autre éclairage. L’environnement d’apprentissage influe sur l’attention et la concentration, et est un sujet en soi aussi dans le distant Learning…!
Christian MARTIN Il y a 9 années
« No pain, no gain ». L’un des principes d’action des jeux est justement de faire oublier l’effort. Mais, pour la construction de jeux pédagogiques (serious games ou autres) la difficulté réside dans la construction d’un gameplay pertinent par rapport au(x) domaine(s) d’apprentissage… la réussite (atteinte des buts du jeux) pouvant se faire au détriment des apprentissages. Par ailleurs, le plus souvent, les jeux sont construits sur des mécanismes de compétition, alors que du point de vue des apprentissages, la collaboration offre / offrirait un plus grand potentiel.
Benzina Mathis Il y a 7 années
Peut-on apprendre sans effort ? Tout dépend de l’objectif.
– Assimiler des connaissances précises en masse, qui doivent demeurer dans le temps car utiles dans le métier exercé ou pour passer un concours (exemples en médecine, pharmacie…) demande des efforts de mémorisation importants. Dans ce cas la Gamification n’est pas forcement d’une grande utilité dans un premier temps (Ceci, même si l’on peut aussi imaginer un scénario vous aidant par exemple à retenir les centaines de formules chimiques ou biochimiques à mémoriser) et la citation de René Barjavel pourrait dans cas être valable :
“Ce qui s’apprend sans peine ne vaut rien et ne demeure pas. Tu dois devenir ce que tu as l’ambition d’être en faisant transpirer ton corps et ton esprit.” René Barjavel, “L’enchanteur”.
– « Apprendre à faire » est plus adapté à la Gamification. Et c’est lors de la mise en œuvre opérationnelle du savoir ( dont le comportemental après acquisition du savoir) que les bénéfices de la Gamification apparaissent :
-Motivation, Engagement et Implication (Jouer est une fonction primaire de l’humain)
-Mémorisation du contenu (Nous retenons mieux ce que nous avons appliqué, expérimenté, ici par le jeux)
-Acquisition et Amélioration des capacités cognitives
-Résolution de problème.
-Augmentation de l’Intelligence fluide (Capacité à penser logiquement et à résoudre des problèmes dans des situations nouvelles, indépendantes de l’acquisition de connaissances.)
-Acquisition de nouvelles connaissances.
Pour reprendre l’exemple de la médecine, la Gamification devient alors un très bon moyen pour se mettre en situation, apprendre à diagnostiquer.